par Meredith Page
Section 1 – Introduction générale
La Technique de Frederick Matthias Alexander figure parmi les meilleurs ‘produits’ exportés par l’Australie. C’est un nom maintenant reconnu dans beaucoup de pays. Elle est intégrée aux cours des grands conservatoires de musique et des écoles d’art dramatiques dans le monde entier et beaucoup de personnalités l’utilisent et attestent de son efficacité.
En quoi consiste cette Technique qu’a développée Frederick Matthias Alexander, pionnier en la matière ?
Les gens demandent parfois si elle s’apparente au yoga ou à l’acupuncture, s’il s’agit d’une médecine alternative ou encore si elle dérive d’une discipline orientale. Rien de tout cela. Elle fut développée par un homme méthodique et pratique, n’ayant aucune connaissance des philosophies orientales et bien avant la popularité des médecines alternatives. Le but de la Technique qu’il avait développée n’était pas de traiter des symptômes spécifiques, mais de s’intéresser à un schéma général qu’il appelait ‘mauvaise utilisation’ : un problème fondamental qu’aucune autre approche ne reconnaît explicitement.
La Technique d’Alexander est utilisée pour soulager et prévenir des douleurs du dos, du cou et des membres, des maux de têtes et autres problèmes musculo-squelettiques ; pour réduire les tensions et améliorer les performances dans l’acquisition de compétences complexes comme celles nécessaires pour jouer d’un instrument de musique, pour chanter, pour monter sur scène ou pour faire du sport ; pour rendre moins contraignantes des activités répétitives et exigeantes ; pour gérer le stress et pour retrouver une certaine liberté de mouvement après un accident ou une maladie chronique. Elle a même été utilisée pour entraîner des pilotes de chasse à rester calmes et pouvoir prendre des décisions dans des conditions de pression extrême. Mais ses implications sont bien plus profondes, comme vous pourrez le découvrir sur ce site.
En 1973, lorsque le Professeur Nikolaas Tinbergen se vit décerner le Prix Nobel de Physiologie et de Médecine, il consacra la moitié de son discours de réception à Frederick Matthias Alexander, déclarant : « Cette histoire de perspicacité et de persévérance de la part d’un homme sans formation médicale est l’une des véritables épopées de la recherche et de la pratique médicale. »
Avant de poursuivre votre lecture, nous vous demandons de vous préparer à penser ‘hors des sentiers battus’ – de mettre de côté toute idée préconçue. Alexander fut obligé de faire de même lorsqu’il fut confronté à une sérieuse perte de voix ne répondant pas aux traitements médicaux et qui mettait en péril une carrière d’acteur prometteuse. Il se vit obligé de considérer la question à partir d’une nouvelle perspective. En relevant le défi, il fut entraîné dans un périple au cours duquel il fit certaines découvertes remarquables quant au fonctionnement humain, découvertes qui forment la base de la Technique qui porte son nom. Pour comprendre ses découvertes, nous devons mettre de côté tout préjugé et tenir compte de certaines données de base.
La réponse anti-gravité
L’organisme humain a toujours existé dans un champ gravitationnel constant. En conséquence, le système neuro-musculo-squelettique a développé des moyens pour gérer les effets de la force constante de la gravité, moyens auxquels nous donnerons le nom générique de ‘réponses anti-gravité’. Alexander découvrit que ses propres réponses anti-gravité ne fonctionnaient pas correctement. Il arriva à recouvrer sa voix non pas en recourant aux thérapies conventionnelles, mais en apprenant à récupérer le fonctionnement de ses réponses anti-gravité. En bref, il développa une technique pour permettre le meilleur usage de nos mécanismes innés d’expansion en réponse à la force de la gravitation. Cela ne signifie aucunement qu’il a réussi à apprendre à voler… il apprit à simplement à optimaliser le fonctionnement de ses mécanismes posturaux. Les bénéfices imprévus que cela apporta à son fonctionnement amena rapidement la Technique à sa merveilleuse réputation.
(Note du traducteur : pour être plus précis : ce ne sont pas les réponses anti-gravité elles-mêmes qui sont en cause, mais les conséquences de leur fonctionnement sur l’usage de soi quand il y a interférence. Si les systèmes d’adaptation à la gravité sont neurologiquement déficients, cela relève d’autres thérapies.)
Le tout est plus grand que la somme de ses parties
Un organisme humain pris dans son ensemble est beaucoup plus intéressant et complexe que les morceaux inanimés étudiés sur la table de dissection. Nos organismes sont constitués de différentes ‘parties’ (l’esprit, les émotions, le système nerveux et le système circulatoire, le squelette, la musculature et les organes), mais nous sommes bien plus qu’un assortiment d’os et de chairs rendus vivants par la chimie. Nous sommes également dotés de conscience et grâce à elle le tout devient plus que la somme de ses parties car elle nous permet d’exercer une influence considérable sur tout l’organisme. C’est ce qui nous permet d’arriver à un fonctionnement optimal de l’entité ‘psycho-physique’ que nous sommes. Il ne s’agit pas d’un rêve irréel. Ce n’est que du bons sens. Ce texte d’information a été écrit pour vous montrer pourquoi et pour vous donner l’occasion de découvrir comment la Technique Alexander agit, ce qui la rend unique et comment tout le monde peut en tirer des bénéfices.
Section 2 – Le mauvais usage de soi
Le Défi
Dans la vie moderne, les stimulations extérieures nous détournent souvent de nous-mêmes. La voiture, la télévision et l’ordinateur nous ont rendus plus sédentaires. Avec la télévision et l’ordinateur en particulier notre attention se dissout dans un monde virtuel où nous perdons conscience de notre posture, de notre respiration et de notre ancrage au sol. Quand nous perdons conscience de nous-mêmes de cette manière, nous sommes à la merci de la gravité qui fera ce qu’elle a fait depuis toujours : nous pousser vers le bas. Parce que nous sommes si peu présents, hors de nous-mêmes en quelque sorte, nous ne remarquons pas ce qui nous arrive. Que nous nous affaissions ou que nous nous raidissions, nous créons des efforts inutiles qui empêchent les très complexes mécanismes posturaux dont nous sommes tous équipés de contrer la force de la gravité convenablement. Et pour ajouter à notre malheur, nous nous habituons à cette distorsion qui nous semble alors normale et confortable. Nos articulations de soutien s’usent sous l’excès de charge, notre respiration devient défectueuse et la qualité de notre bien-être émotionnel et mental s’en trouve affectée. Le terme retenu par Alexander pour désigner cet état fut celui de ‘mauvais usage de soi’.
- M. Alexander s’aperçut que la manière dont on utilise notre organisme dans son ensemble affecte directement notre fonctionnement pour le meilleur ou pour le pire. Quand on s’affaisse, par exemple, certaines articulations sont écrasées, leurs surfaces articulaires s’usent et une pression excessive continue s’exerce sur les disques intervertébraux. Les courbures de notre colonne vertébrale s’en trouvent exagérées et le tonus des muscles du dos change. Il y a augmentation de la tension musculaire et de la pression intra-abdominale qui limitent l’afflux sanguin vers les organes. Ce qui entraîne à son tour une rétention des fluides dans les jambes et le développement de varices, d’hémorroïdes, de colites et d’autres maux encore.
La musculature de la cage thoracique tend à se contracter réduisant notre respiration et empêchant un apport adéquat d’oxygène pour les besoins physiques, émotionnels et mentaux. Quand nous vivons dans un tel corps, nous dépensons notre énergie simplement pour pouvoir nourrir ces tensions inutiles. Nos postures en souffrent et notre vitalité diminue –avec les conséquences que cela peut avoir pour notre santé mentale et émotionnelle. Un corps déprimé signifie un moral bas et un mental faible. Le mauvais usage de soi est endémique dans le monde occidental moderne – comme le sont la dépression et les demandes d’opérations du genou et de la hanche. Est-ce pure coïncidence ? Nous devons comprendre que lorsque nous nous utilisons mal, nous mettons en péril notre fonctionnement général. Le mauvais usage de soi commence très tôt mais n’est pas reconnu comme tel. De plus il est tellement fréquent que nous ne le remarquons même plus. De même il est inconsciemment encouragé comme partie intégrante d’un mode de vie où seuls les résultats comptent et qui tend à considérer le corps comme une machine, quelque chose de distinct du reste de notre être. Les effets dévastateurs du mauvais usage de soi deviennent évidents après quelques décennies et à l’âge mûr, mais de plus en plus chez le jeune également.
L’unité indivisible
A la fin d’une décade de recherches pratiques, bien avant la popularisation de la notion d’approche holistique du bien-être, Alexander était convaincu que l’intégration si vitale à notre bien-être ne pouvait être rétablie qu’en nous adressant à l’ensemble de notre être psychophysique et que s’occuper des parties souffrantes ou rebelles isolément n’aidait en rien l’amélioration des causes sous-jacentes, sinon à les exacerber. De ce point de vue, il a dit que classer et traiter les défauts et maladies humaines comme purement ‘physiques’ ou purement ‘mentales’ n’a pas apporté et n’apportera pas de solutions. Toutes les tentatives d’améliorer la condition humaine doivent être fondées sur l’unité indivisible de l’organisme humain. Quand nous réalisons qu’il a été capable d’apporter un changement radical de son propre fonctionnement général, y compris la récupération totale de sa voix et de sa fonction respiratoire, nous pourrions tirer un grand bénéfice à suivre son conseil et lui être immensément reconnaissant d’avoir également développé un moyen de faciliter la récupération de l’intégrité psychophysique chez les autres.
Section 3 – La posture et l’équilibre (poise)
Une bonne posture ou une bonne utilisation de soi?
Pour beaucoup de monde, la Technique Alexander est intimement associée à l’acquisition d’une bonne posture. Le terme de posture est cependant inadéquat pour exprimer ce que la Technique Alexander cherche à améliorer. En ce qui concerne la posture, il est généralement admis que se tenir droit est mieux que de se tenir penché et recroquevillé sur soi. Il y a là une certaine vérité. Quand on recherche à se tenir droit à tout prix on ne fait que simplement créer un mauvais usage de soi sous une autre forme. Parmi d’autres exemples : le militaire dans un défilé, le ‘jeune cadre dynamique’ hypertendu, le danseur ou le mannequin qui forcent leur apparence. La posture n’est rien de plus que le reflet de notre usage général de nous-mêmes dans le sens où une mauvaise posture résulte d’un mauvais usage de soi. De même, un bon usage de soi entraîne l’amélioration de la posture. ‘La posture’ est quelque chose de statique concernant la bonne ou la mauvaise forme de notre corps. Le terme ‘usage’ d’un autre côté est quelque chose de dynamique, de fluide et de vivant, concernant tout l’organisme. La Technique Alexander par conséquent ne s’adresse pas à la mauvaise posture directement – le rétablissement du bon fonctionnement des mécanismes posturaux en fasse partie – elle est concernée par la promotion d’un état d’équilibre dynamique (poise) comme base de toute activité : au repos et en mouvement, aussi bien mentalement et émotionnellement que physiquement. Quand cet équilibre est retrouvé, la posture s’adapte en conséquence. Quand on fait des exercices, du yoga, de la méditation, du sport ou qu’on joue d’un instrument de musique sans cet équilibre dynamique de base, nous ne faisons que renforcer les plis crées par nos manières habituelles de faire.
L’équilibre dynamique (poise) : un équilibre instable
Nous ne rencontrons que rarement la grâce naturelle dans la vie courante, mais on peut parfois la voir sur les terrains de sport, dans les salles de concert, sur scène ou chez les très jeunes enfants. L’équilibre dynamique, un état de vigilance décontractée, est en rapport avec la sensation d’être total et si nous pouvons le maintenir constamment nous nous sentons plus légers et nous bougeons plus facilement au lieu de nous sentir lourd et fragmenté. Une définition de l’équilibre dynamique qui pourrait sembler paradoxale à certains est celle d’ ‘équilibre instable’. Mais les équilibristes ont besoin de rester décontractés et en constant déséquilibre sur la corde s’ils veulent garder leur équilibre. Dès qu’ils se raidissent, ils interfèrent avec ces mêmes réflexes qu’ils doivent utiliser pour tenir sur la corde. Les mêmes lois naturelles sont d’application pour nous autres simples humains, moins aventureux, assis sans danger derrière nos ordinateurs ou à table pour les repas. La différence est que lorsque nous nous affaissons et que nous nous raidissons, perdant notre équilibre instable en position assise, nous ne risquons pas de nous écraser au sol, nous nous écrasons un peu plus en nous-mêmes, inconscients des dégâts que nous nous occasionnons.
Section 4 – Les Mécanismes Posturaux
Ceux d’entre vous qui auront eu la chance d’assister à une représentation du Cirque du Soleil auront vu une jeune chinoise sauter audacieusement sur une longue corde tendue en diagonale, un parapluie à la main. Son superbe équilibre et sa facilité de mouvement donnaient un bel exemple des mécanismes posturaux en action. On peut également les voir à l’œuvre chez les enfants heureux, vivant et jouant avec aisance dans leur petit corps.
Nous allons aborder maintenant quelques données de base qui nous aideront à comprendre quand les mécanismes posturaux fonctionnent bien, pourquoi ce n’est pas toujours le cas et comment on peut en faciliter le fonctionnement.
Les réflexes d’étirement
Le fonctionnement d’un muscle est complexe, mais nous avons besoin de comprendre certaines de ses propriétés élémentaires. Quand il est étiré, par exemple, un muscle se contracte par rapport à la traction appliquée. Comme l’élastique, plus il est étiré, plus il se tend. Si vous attachez une extrémité d’un gros élastique à la poignée d’une porte et l’autre extrémité sur le châssis de la porte à la même hauteur et qu’ensuite vous ouvrez la porte pour étirer l’élastique, plus vous tirerez sur la porte, plus grande sera la tension dans l’élastique et plus forte la traction qui refermera la porte. C’est ainsi, très sommairement, qu’un muscle fonctionne. C’est cette activité caractéristique du muscle squelettique qui maintient le corps ensemble. Les femmes africaines qui marchent avec de lourdes cruches sur la tête non seulement gardent leur taille, mais leurs corps s’allongent en réponse au surplus de poids. De même, la force de la gravité nous fait réagir par rapport à la résistance de la terre. L’ensemble de la musculature squelettique répond d’une manière réflexe à ce stimulus par un jeu complexe de tensions et de relâchements, en constante adaptation pour nous garder librement érigés. Les astronautes qui passent un certain temps dans l’espace voient leur tonus musculaire diminuer et peuvent à peine marcher à leur retour sur la Terre. Sans la gravité pour stimuler les réflexes d’étirement, leurs muscles squelettiques s’atrophient. Ce sont les réflexes d’étirement qui gardent les humains, tributaires de la Terre, souples et élégants dans leur maintien.
Les fibres musculaires
Nos muscles squelettiques sont faits de fibres qui se sont différenciées en deux types principaux selon leur fonction. Ce sont les fibres rouges (lentes) et les fibres blanches (rapides). Les fibres rouges (lentes) tirent leur énergie du glucose au contact de l’oxygène, ce qui leur permet de développer de la force lentement et de rester contractées plus longtemps. Elles sont relativement peu sujettes à la fatigue. Tandis que les fibres blanches (rapides) sont capables de développer plus de force et des contractions plus rapides, mais sont fort sujettes à la fatigue. Elles obtiennent de l’énergie rapidement en utilisant le glucose sans oxygène. Elles se fatiguent rapidement car le glucose utilisé se consume sous la forme d’acide lactique. Ce déchet nous fait avoir mal aux muscles après des efforts intenses. Meilleure sera notre condition physique et plus rapide sera l’élimination de l’acide lactique de nos muscles par le flux sanguin, et moindre notre douleur.
Muscles rouges et muscles blancs
Nous sommes équipés de trois types de muscles squelettiques qui se distinguent entre eux par la quantité de fibres rouges ou blanches qui les composent et qui permettent le support (muscles posturaux), le mouvement ou la puissance.
Les muscles posturaux
Les muscles posturaux profonds nous permettent de tenir debout et maintiennent le corps ensemble, que nous soyons immobiles ou en action. Nous avons besoin de ces muscles pour simplement ‘être’, pour avoir une forme humaine, que ce soit assis ou couché, pour être maintenu alors que nous ne faisons rien de particulier. Ces muscles profonds sont principalement constitués de fibres rouges (lentes). Cette grande proportion de fibres lentes qui permet un travail musculaire quasiment infatigable a besoin d’une certaine activité constante. Pendant qu’ils nous maintiennent ensemble, les muscles posturaux profonds du tronc informent simultanément le système nerveux central sur notre orientation dans l’espace qui lui permettra de coordonner les réponses appropriées de l’ensemble de la musculature. Une couche moins profonde de muscles posturaux permet de nous stabiliser et servent d’ancrage pour les muscles de mouvement des membres.
Les muscles de l’action
D’un autre côté, les muscles du mouvement nous procurent une force instantanée pour pouvoir courir, nous lever, nous sauver du danger et nous permettre d’agir dans le monde. Les muscles que nous utilisons pour leur force sont principalement composés de fibres blanches rapides pour de courts moments d’activité intense et se fatiguent donc vite. Une utilisation prolongée rend ces muscles plus durs et plus volumineux.
Les muscles que l’on utilise pour le mouvement sont composés aussi bien de fibres rouges lentes que de fibres blanches rapides. Les muscles du mouvement ont besoin d’exercice répété pour préserver leur proportion de fibres rouges lentes. S’ils sont soumis à une activité intense prolongée, ils tendent à perdre un certain nombre de leur fibres rouges lentes parce qu’il est plus souvent fait appel à leur fibres blanches rapides.
Rester dans une position de garde à vous militaire exige un effort délibéré et le simple fait de penser à fournir un effort fera appel aux fibres musculaires blanches rapides. Quand ce genre d’activité devient habituel, la proportion de fibres blanches rapides augmente, changeant la composition structurale des muscles du mouvement, les rendant plus fatigables. C’est une des nombreuses manières où la pensée et l’habitude peuvent agir directement sur la substance corporelle.
Certaines personnes naissent avec plus de fibres lentes, ce qui les avantage dans les sports d’endurance. Ceux chez qui la nature a privilégié les fibres rapides feront de meilleurs sprinters. C’est pour augmenter la force musculaire rapide que certains athlètes, particulièrement dans les courses de vitesse, prennent des stéroïdes. (www.howstuffworks.com/muscle.htm)
Tension et relâchement
Chaque fois que vous décidez de faire un mouvement – de vous tenir debout, de marcher, de soulever un objet, de danser ou de jouer d’un instrument de musique – les muscles de soutien (à fibres lentes) de votre tronc et les muscles du mouvement (à fibres rapides) des membres travaillent de concert pour créer les schémas qui permettront de passer à l’action. Les muscles sont capables d’un nombre étonnant d’actions. Pour ce faire, ils fonctionnent en groupes opposés et complémentaires, faisant le travail inverse des autres. Nous avons des muscles fléchisseurs pour plier et des muscles extenseurs pour le redressement ; des abducteurs pour éloigner nos membres du corps et des adducteurs pour les ramener vers le corps ; des rotateurs et des ‘contre-rotateurs’ pour les mouvements de torsion, etc.
Quand un groupe est actif, il est appelé agoniste et son opposé est alors appelé antagoniste. Ils doivent travailler de concert pour nous faire bouger harmonieusement et efficacement. Ils y arrivent en travaillant sous la forme d’une relation antagoniste positive : un arrangement où chaque action des agonistes est équilibrée par un relâchement des antagonistes. De sorte que quand des fléchisseurs sont actifs, les extenseurs qui leur sont opposés se relâchent et vice versa.
Quand le bon usage de nous-mêmes diminue, une perception défectueuse nous fait faire des efforts inutiles dans l’exécution de nos actions. Que ce soit pour dévisser un bouchon ou frapper sur une balle de tennis, notre tendance sera de mobiliser des muscles agonistes et leurs antagonistes en même temps. Leur action réciproque sera perturbée et nous perdrons en précision dans nos mouvements. Cela est évident chez certains musiciens trop stressés lorsqu’ils doivent s’exécuter en public. Ils crispent les muscles du cou, des mâchoires, des épaules, des fesses et des jambes avec des conséquences désastreuses pour leurs poignets, leurs mains et leurs doigts. Certains d’entre nous font de même simplement en exécutant l’action de se lever d’une chaise.
Chaos
Quand nous nous affaissons en position assise et que nous nous appuyons sur nos bras pour tenir assis ou que nous passons d’une jambe sur l’autre lorsque nous faisons la file pour mieux supporter la position debout, ou que nous soulevons les épaules pour nous redresser, nous faisons appel à nos fibres musculaires rapides pour remplir le rôle des fibres lentes. L’installation rapide de la fatigue prouve le rôle inapproprié des muscles fatigables pour ces tâches. En même temps, les muscles lents de soutien du tronc, qui devraient nous supporter, sont affaiblis par manqué d’utilisation car leur travail a été pris en charge à tort par d’autres muscles. Le rôle des muscles consiste aussi à fournir des informations sensorielles au système nerveux central sur notre orientation dans le champ gravitationnel. Le feedback qu’ils fournissent dans cet état de fonctionnement insuffisant est trompeur. Le système nerveux central, réagissant par rapport à ce feedback trompeur, ‘pense’ que ces muscles ont besoin d’aide pour nous soutenir et nous entrons dans un cercle vicieux où nous faisons appel à plus d’efforts encore de la part des muscles de mouvement fatigués déjà sollicités, qui travailleront encore plus intensément pour remplir leur ‘rôle’. La gravité l’emporte sur nos mécanismes posturaux et nous nous retrouvons avec un corps soumis à un travail excessif de certains muscles en certaines parties du corps et un travail insuffisant en d’autres parties. En d’autres termes, notre corps a perdu son tonus musculaire équilibré. La tension excessive de l’ensemble de la musculature exerce une tension excessive sur les ligaments et les articulations.
La longueur des muscles
A sa longueur optimale, le muscle est dans un état équilibré, prêt à se contracter totalement si nécessaire. Quand nous utilisons constamment nos muscles à tort et à travers, deux choses arrivent : leurs fibres restent chroniquement raccourcies et les muscles perdent de leur pouvoir contractile. La musculature dans son ensemble se raccourcit, nous tirant vers le bas et c’est la fin de notre bonne posture.
Le traitement spécifique de la tension musculaire chronique et des problèmes articulaires n’affectera pas le schéma sous-jacent de mauvaise utilisation qui les a produits. Ce schéma est plus qu’un problème de muscles, de tendons, de ligaments, d’os et d’articulations. Il fait partie de l’ensemble du schéma psychophysique. Les personnes compétitives souffrent de tensions musculaires excessives parce que leurs pensées (attitude mentale) et leurs émotions (trop fortes) se traduisent en tensions musculaires. C’est pourquoi on dit qu’à partir de quarante ans on a le visage et le corps que l’on mérite.
Conscience et muscles
Nous devons à l’Age des Lumières l’héritage infortuné d’une forme de pensée introduite par René Descartes : ‘Je pense, donc je suis.’ Le dualisme cartésien a conduit à la prépondérance de ‘l’esprit’ (en particulier, le cerveau gauche) au détriment du ‘corps’, à l’insistance sur le développement mental et à la relégation du corps dans un rôle secondaire. En existe-t-il un symbole plus poignant que le spectacle des écoliers écrasés et abîmés par de lourds cartables chargés de ‘connaissances’ sous forme de lourds manuels scolaires. Parmi les nombreux désastres qu’une telle attitude mentale engendre, il y a la perte radicale de la conscience de son corps. Les mécanismes posturaux fonctionnent ‘dans l’obscurité’. Nous agissons ‘sur pilote automatique’ sans enregistrer comment nous agissons, restant inconscients de l’activité musculaire excessive jusqu’à ce que la douleur nous réveille. Les corps prématurément déformés des écoliers en sont un exemple, douleurs du poignet, du bras et de l’épaule consécutives à l’usage prolongé de la souris devant l’ordinateur en sont d’autres. L’attention est absorbée par ce qui se passe sur l’écran sans conscience des signaux de fatigue envoyés par les muscles des mains, de l’avant-bras, du bras et de l’épaule. Les usagers continuent de fixer l’écran en manipulant la souris, insensibles aux plaintes de leurs muscles. Une souris ne pèse presque rien, pourtant il suffit de quelques heures d’une utilisation en se négligeant pour crisper les muscles de la main, du bras et de l’épaule.
Cela est possible car la plus grande partie de notre activité musculaire a lieu en dehors de notre conscience. Chez l’individu moyen, l’activité consciente du cerveau représente environ un millionième de toute l’activité cérébrale. Quand nos cerveaux sont occupés par le monde virtuel de l’écran d’ordinateur ou de télévision, nous accordons encore moins d’attention à ce qui se passe en nous.
La Technique Alexander cherche à ramener ce genre d’activité dans le champ de notre conscience, de rendre conscient ce qui était inconscient et d’élargir notre champ d’attention pour pouvoir avoir une influence directe sur ce qui se passe et apporter des changements. Tout ce que cela demande
est le choix de rester conscient et d’appliquer un certain bon sens corporel pour pouvoir éliminer la plupart des désordres répétitifs en même temps qu’une mauvaise posture.
Les organes de l’équilibre
De chaque côté du crâne, à l’intérieur de l’os qui entoure la partie interne de vos oreilles, se trouve un ingénieux appareil du nom de labyrinthe. Les deux labyrinthes forment ensemble le système vestibulaire. Son fonctionnement correct est essentiel pour la coordination motrice et le contrôle postural.
Le système vestibulaire permet à votre corps de sentir s’il est debout ou couché et s’il est immobile ou en mouvement. Il est conçu pour détecter la position et le mouvement de la tête dans l’espace. Il est composé des otolithes et des canaux semi-circulaires.
Les otolithes détectent votre orientation par rapport à la gravité. Ils contiennent des cellules nerveuses sensitives en forme de cheveux placées dans diverses directions. Y sont attachés ??(attachés à ou, ils possèdent de… ?) de petits cristaux de calcium. Quand vous penchez votre tête vers l’avant, vers l’arrière ou sur le côté, la gravité agit sur ces cristaux en fonction de leur orientation par rapport à elle. Les cristaux qui ont réagi à la gravité stimulent les cellules sensitives en forme de cheveux qui envoient des signaux à votre cerveau pour lui faire connaître la position de votre tête dans l’espace.
Les canaux semi-circulaires détectent le mouvement de la tête dans l’espace. Il s’agit de trois minuscules tubes en forme de C. L’un est couché horizontalement à plat et les deux autres sont verticaux et perpendiculaires entre eux et à celui qui est horizontal de sorte qu’ils peuvent détecter des mouvements dans les trois dimensions de l’espace. Ils travaillent ensemble comme une sorte de niveau agissant constamment sur la position changeante de la tête. Ils contiennent des cellules nerveuses en forme de cheveux et des fluides. Quand votre tête bouge dans une certaine direction, le fluide prend du retard sur le mouvement de la tête et se presse sur les cellules nerveuses les stimulant à envoyer les signaux au cerveau concernant les mouvements de votre tête.
La coordination du reste de votre corps dépend des informations fournies par votre système vestibulaire. (www.howstuffworks.com/balance.htm) Lorsque les canaux semi-circulaires sont positionnés correctement par rapport à la gravité, leur orientation de base par rapport au sol est telle que lorsque le corps est droit et la tête en position neutre, le canal semi-circulaire horizontal est horizontal et les deux autres verticaux. Le Dr T. D. M. Roberts, un spécialiste de la physiologie des mécanismes posturaux, a constaté que chez plus de trente espèces de mammifères différentes qu’il a étudiées la tête est portée de sorte que le canal semi-circulaire du bas est horizontal et les deux autres verticaux par rapport au sol. Cependant, il observe que chez les êtres humains, la plupart portent la tête de sorte que le canal semi-circulaire du bas n’est plus horizontal mais légèrement penché. Il est intéressant de noter que Roberts remarqua qu’une stimulation rendant l’être humain plus alerte lui fait ramener la tête légèrement vers l’avant et vers le haut, repositionnant ainsi le canal semi-circulaire du bas à l’horizontale provoquant également un réajustement de la posture.
Le contrôle primaire
Un peu plus d’un siècle avant les expériences du Dr Roberts, F.M. Alexander investiguait sur son propre mauvais usage de lui-même. Une découverte importante fut la constatation qu’une certaine relation particulière unissant sa tête, son cou et son dos faisait partie intégrante d’une coordination optimale de tout son corps. Il observa sur lui-même une perturbation de cette relation tête-cou-dos. Il observa en particulier que les tensions excessives dans les muscles du cou et de la base du crâne tiraient sa tête vers l’arrière et le bas par rapport à sa colonne vertébrale. Il remarqua également que cette perte d’intégrité dans la relation de sa tête avec le reste du corps affectait sa posture, ainsi que sa respiration et le fonctionnement de sa voix.
Le système vestibulaire décrit plus haut est situé de chaque côté de l’articulation de l’atlas, la première vertèbre cervicale, où le crâne pivote sur l’articulation située au sommet de la colonne vertébrale. Il s’ensuit qu’une interférence constante avec l’équilibre de la tête doit affecter le fonctionnement de cet organe sensoriel.
Parce que la relation tête-cou-dos semblait avoir un tel effet sur l’ensemble du corps, Alexander l’appela le contrôle primaire et affirma qu’une bonne coordination et un bon fonctionnement ne pouvaient être obtenus sans son bon fonctionnement. Ce fut finalement sa réussite de consciemment libérer sa tête et son cou de tensions excessives, maintenant de la sorte sa tête librement en équilibre au sommet de la colonne vertébrale lui permettant de bouger sans difficulté. A partir de ce moment, il commença à jouir d’une nouvelle qualité de coordination, faite de légèreté, d’aisance et de grâce.
La science n’a pas encore mis à jour les secrets de leur fonctionnement neurophysiologique, ni permit de comprendre comment fonctionnent exactement les mécanismes posturaux. Ce que nous savons, par contre, c’est que nous pouvons faciliter ou rendre difficile l’efficacité de ces mécanismes. Grâce aux accomplissements pionniers d’Alexander nous savons qu’une relation tête-cou-dos satisfaisante est essentielle pour une bonne coordination et nous savons comment l’améliorer et promouvoir ce qu’il appela le bon usage de soi.
Le bon usage de soi
La Technique Alexander promeut la longueur musculaire optimale et fait retrouver une appréciation sensorielle fiable. Vous apprenez à permettre à la gravité d’activer vos muscles en lieu et place des habitudes qui imposent trop d’efforts pour le corps. Un effort supplémentaire n’est pas nécessaire pour se lever d’une chaise par exemple. Diriger le corps pour activer la réaction à la gravité des réflexes d’étirement suffit pour que le corps entre en mouvement de lui-même. Crisper le cou ou pousser fort en serrant les cuisses ou en soulevant les épaules (ce que la plupart d’entre nous font) est inutile et interfère avec les mécanismes naturels.
Vous pouvez apprendre à vous faire confiance et à utiliser vos mécanismes anti-gravité innés. Vous pouvez libérer vos muscles de leurs raccourcissements habituels et de leurs tensions excessives. Vous pouvez retrouver une distribution équilibrée de la tension musculaire dans un corps intégré. Vous pouvez apprendre à porter la tête librement. Vous pouvez changer vos schémas de base de mauvaise utilisation de vous-mêmes et affronter la vie et ses exigences sans vous abîmer ou devoir vous faire remplacer les articulations des hanches arrivés à la soixantaine. Vous pouvez jouer d’un instrument de musique ou pratiquer un sport en évitant des blessures dues à la répétition des mouvements.
Vous pouvez rester calme au volant de votre voiture même pendant les heures de pointe. Tout ce dont vous avez besoin c’est une série de leçons en Technique Alexander.
Section 5 – Qui était F.M. Alexander?
Frederick Matthias Alexander est né à Wynyard, en Tasmanie en 1869. Il était un enfant fragile et souffrait de problèmes respiratoires chroniques. Bien qu’il fût passionné de chevaux et devint un excellent cavalier, il évitait cependant les concours hippiques dans le bush. Il leur préférait la lecture et la récitation des textes de Shakespeare dans la tranquillité de sa chambre. Les années passant, il s’améliora tellement dans l’art de la déclamation dramatique qu’il décida d’en faire son métier. Il accepta d’abord un poste d’employé dans une compagnie minière sur la côte ouest de la Tasmanie pour amasser les fonds nécessaires pour se rendre à Melbourne y faire carrière. Il y acquit une bonne réputation et se produisit très vite dans les théâtres de renom de l’époque.
Le succès d’Alexander fut assombri par les crises d’enrouement qui s’intensifièrent suite aux exigences que ces grands théâtres imposaient sur son larynx (nous sommes avant l’avènement du microphone). Il décida de consulter un spécialiste quand sa voix lui fit défaut lors d’une représentation devant le roi et la reine. Après avoir diagnostiqué une laryngite, on lui conseilla de faire de fréquents gargarismes à l’eau salée et de reposer sa voix avant les représentations importantes. Le traitement fut un échec. Déterminé à ne pas abandonner sa carrière, il décida de se prendre en main tout seul, puisque les médecins ne pouvaient l’aider.
Le développement de la Technique
Il pressentait que la déficience de sa voix était liée à quelque chose qu’il faisait pendant qu’il récitait ; c’est pourquoi il décida de s’observer pour voir s’il y avait quelque chose d’évident à voir. Il s’acheta un miroir et s’observa pendant qu’il récitait. A sa grande surprise, il découvrit que ce qu’il vit dans le miroir était différent de ce qu’il ressentait et pensait faire. Lors de l’effort de projection et de contrôle de sa voix, il déformait son corps et sa respiration. Chaque fois qu’il se mettait à parler, il tirait la tête vers l’arrière, compressait son larynx vers la poitrine et aspirait bruyamment de l’air. Jusqu’à ce qu’il voie ces déformations dans le miroir, il en était inconscient, mais il se rendit très vite compte qu’il s’agissait d’une mauvaise utilisation de ses possibilités naturelles. Il ne mit pas longtemps à faire le rapport entre la “mauvaise utilisation de lui-même” et la déficience de sa voix, ce qui le conduisit à affirmer que la manière dont nous nous utilisons affecte directement notre fonctionnement.
Ensuite, il acheta deux miroirs supplémentaires, les plaçant de manière à pouvoir s’observer de tous les côtés. C’est alors qu’il réalisa que ce qu’il voyait était un schéma, une réponse corporelle totale qui était stimulé chaque fois qu’il décidait de parler. Il savait qu’il aurait à se libérer de cette réaction s’il voulait retrouver le plein usage de sa voix. Il se mit donc à essayer de se débarrasser des fautes qu’il voyait.
Appréciation sensorielle erronée (Unreliable sensory appreciation)
Cela s’avéra extrêmement difficile. Une certaine confusion se créa dans son esprit quand il essaya de changer ce qui était devenu une habitude puissante, habitude à laquelle il tenait, une manière de s’utiliser qu’il ressentait comme étant correcte. Il découvrit que sa manière de juger de la réussite de ce qu’il faisait était basé sur ce qu’il ressentait et il fut surpris de découvrir que sa ‘perception sensorielle’ n’était pas fiable.
Grâce à ses observations, Alexander commença à comprendre que ses défauts dans l’usage de lui-même restaient bloqués par son appréciation sensorielle non fiable. Il réalisa que cette ‘perception pervertie’, comme il l’appelait, portait préjudice à toute tentative d’exécution de quelque mouvement que ce soit, et qu’il ne pouvait pas faire confiance à son sens kinesthésique. Cette réalisation exigeait une nouvelle solution. Il devait développer une conscience plus aigue, un moyen fiable de vérifier ce qui se passait dans son corps.
Il mit dix ans pour apprendre, petit à petit, comment démonter la manière dont il s’utilisait et pour la reconstruire complètement. Pour commencer, il laissa de côté le problème de l’élocution et commença par rester conscient d’un champ d’attention plus large en exécutant les gestes les plus simples (comme le fait de lever un bras). Il constata que faire attention de la sorte le libéra de la dictature des habitudes, lui donnant un choix. Cela lui permit aussi de concevoir et de formuler le processus qui conduisit à deux principes vitaux qui devinrent les fondements de sa technique.
L’Inhibition
Il découvrit que nos idées concernant nos actions ont une influence constante sur la manière dont nous performons ces actions – qu’il y a une relation circulaire entre les pensées, les émotions et les actions : la pensée d’une action crée un schéma de réponse musculaire particulier qui est renforcé par la répétition. Le schéma se manifestant par la rétraction arrière de la tête, la compression du larynx et l’aspiration sonore d’air à chaque tentative de parler. En expérimentant, il découvrit que s’il pouvait prévenir la crispation qui désalignait sa tête, il pouvait également empêcher les deux autres éléments du schéma. Cela lui fit réaliser la primauté de la relation tête-cou-tronc dans l’organisation de l’ensemble du corps : le contrôle primaire, comme il l’appela. Il réalisa que pour améliorer l’usage de lui-même, il devrait trouver un moyen d’arrêter son habitude d’interférer avec cette relation primordiale.
La clef à cet empêchement essentiel réside non pas dans le contrôle physique direct, mais par l’exercice du choix. Il perçut la nécessité de changer son idée de l’action pour pouvoir changer sa réponse posturale habituelle à elle. La seule manière de briser le cycle pensée-action était d’exercer un contrôle conscient sur lui. Il s’essaya donc de penser à parler sans s’autoriser à effectivement ouvrir la bouche pour le faire. Cela brisa le cercle. Dès qu’il eût appris à suspendre l’action, il n’avait plus besoin de se fier aux sensations instinctives pour être guidé. Il pouvait alors expérimenter à apprendre à permettre aux réponses musculaires appropriées de se mettre en place. Il appela cet acte d’arrêt, de suspension consciente, l’inhibition*.
Au premier abord la nouvelle expérience sensorielle de suspendre sa réponse habituelle créait de la confusion car il avait l’habitude d’être guidé et de se fier à ses sensations. Il persévéra – à l’encontre de son habitude – à utiliser sa nouvelle méthode d’utilisation du choix conscient pour opérer des changements. Il apprit comment empêcher l’interférence habituelle avec la relation tête-cou naturelle et à prendre le contrôle conscient de ses mouvements pour améliorer son usage de lui-même.
Les Directions
En expérimentant l’inhibition, Alexander découvrit un deuxième principe fondamental de l’usage de soi. Il vit qu’une action, comme une histoire, a un début, un milieu et une fin. Sa tendance instinctive a toujours été de mettre le plus d’énergie au début d’une action déterminée pour obtenir un certain résultat, sans tenir compte du prix qu’il aurait à payer de sa personne pour y arriver. Selon ses propres mots, l’habitude l’avait conduit à privilégier le résultat, à mal diriger son énergie dans la poursuite du but. Quand il eût appris à inhiber sa réponse initiale et à retarder le désir d’obtenir un résultat, il avait la possibilité de diriger son énergie consciemment en gardant à l’esprit toute l’action. Il apprit qu’il avait jusque-là essayé d’arriver à la fin de l’histoire (le résultat qu’il recherchait) sans faire attention à la partie du milieu (les moyens par lesquels il pouvait y arriver).
Alexander réalisa qu’en faisant attention aux moyens, plutôt qu’en se focalisant sur le but, le résultat viendrait de lui-même. Son but était de parler sans compresser le larynx et il ne pouvait le faire que s’il pouvait parler sans déclencher l’apparition de l’ancien schéma. Il devait rester conscient de plusieurs choses en même temps. Il devait se retenir de réagir automatiquement dès qu’il avait l’intention de parler et il devait garder son cou libre pendant qu’il déciderait soit de parler, soit de ne pas parler, soit de faire autre chose. Il appela ce processus : direction*.
Le non-faire
Il découvrit qu’en dirigeant ses actions de cette manière il devint capable d’améliorer l’usage de lui-même dans tout ce qu’il faisait. Quand il transposa cette procédure à d’autres activités comme celle de se lever d’une chaise, il découvrit que s’il inhibait le désir d’essayer de se lever mais qu’il gardait son équilibre (poise) et permettait à sa tête de diriger le mouvement, il pouvait se lever sans aucun effort. Cela donna une telle aisance et un tel plaisir à des mouvements qu’il effectuait habituellement d’une manière plus laborieuse et plus raide.
Il mit du temps à apprendre à appliquer l’Inhibition et la Direction tout le temps et à s’habituer à la sensation non familière de ce nouvel usage conscient, mais il savourait la libération que cela lui apportait et il continua d’appliquer sa nouvelle méthode à toutes ses activités. Il avait récupéré sa voix et les difficultés respiratoires qui l’avaient fait souffrir toute sa vie disparurent. Il découvrit la jouissance d’une vitalité et d’un bien-être plus grands, ainsi qu’un sens plus accru des directions à suivre.
Le spécialiste de la respiration (‘The Breathing Man’)
Ses collègues au théâtre remarquèrent les changements en lui et beaucoup d’entre eux commencèrent à le consulter au sujet de problèmes tels que le trac et l’aspiration d’air pour la projection de la voix. Il devint connu en Australie comme le spécialiste de la respiration.
Plusieurs médecins le persuadèrent de se rendre à Londres pour y faire connaître ses découvertes au monde médical officiel. Il y trouva effectivement le soutien de plusieurs médecins de renom. C’était son souhait le plus profond de voir un jour sa Technique incorporée à la formation médicale, surtout après être arrivé à la conclusion que :
« Ce qu’on appelle le ‘mental’ ou le ‘physique’ ne sont pas des entités séparées et c’est pourquoi les maladies et les défauts humains ne peuvent être classés en ‘mentaux’ ou ‘physiques’ et traités d’une manière spécifique en tant que tels. Toute formation – qu’elle soit éducative ou autre, que son but soit la prévention ou l’élimination de défauts, d’erreurs ou de maladies – doit être basée sur l’unité indivisible de l’organisme humain. » (L’usage de Soi)
En 1910, Alexander publia son premier livre: L’Héritage suprême de l’Homme (Man’s Supreme Inheritance). En très peu de temps, il eut un cabinet florissant à la porte duquel venaient frapper des acteurs de renom, des musiciens, des écrivains et des personnalités publiques. Parmi les célébrités qui le consultèrent figurent l’écrivain Sir George Bernard Shaw, le Chancelier de l’Echiquier (Chancellor of the Exchequer) de l’époque Sir Stafford Cripps, l’écrivain Aldous Huxley et le Professeur John Dewey, philosophe et pédagogue Américain. Huxley introduisit la figure d’Alexander sous les traits, à peine déguisés, d’un personnage rédempteur dans sa nouvelle Eyeless in Gaza et défendit avec enthousiasme la théorie d’Alexander dans son essai philosophique La Fin et les Moyens (Ends and Means). John Dewey attribuait une grande importance au rôle que pouvait jouer le travail d’Alexander dans l’éducation.
En 1923, Un second livre fut publié: Le Contrôle Conscient Constructif de l’Individu (Conscious Constructive Control of the Individual).
En 1931 à Londres, Alexander créa une école de formation de trois ans à sa technique, pour que son oeuvre puisse lui survivre. (La décade qui suivit vit la qualification des professeurs de la Technique Alexander suivants: Wilfred Barlow, Marjorie Barstow, Walter Carrington, Margaret Goldie, Patrick Macdonald, Peter Scott, Irene Tasker, Sir George Trevelyan, Dick et Elizabeth Walker et Erika Whittaker.)
Un troisième livre vit le jour en 1932: L’Usage de Soi (The Use of the Self). Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, le blitz de 1940 força Alexander à rejoindre son frère Albert Redden à Boston, aux Etats-Unis, où il enseignait lui aussi la Technique. C’est là qu’Alexander termina en 1941 son quatrième livre La Constante Universelle dans la Vie (The Universal Constant in Living).
A la fin de la guerre, Alexander retourna à Londres pour reprendre son cabinet et continuer la formation des étudiants. Bien qu’il ne remit plus jamais les pieds en Australie, Alexander resta fidèle à ses origines : un amateur de courses de chevaux, citant librement Banjo Paterson et affrontant la vie avec un esprit pionnier très personnel, audacieux et génial. Il continua à enseigner Le Travail (the Work), comme il l’appelait, jusqu’à la fin de sa vie quand il mourut dans son sommeil à l’âge de 87 ans en 1955.
* Un exemple concret est celui de la capacité de certains joueurs de tennis exceptionnels à penser en temps réel et de changer la trajectoire d’une balle en une nanoseconde, à volonté, plutôt que d’être obligé de la renvoyer sur la défensive.
**Le tir à l’arc demande la même faculté de direction. L’archer ne doit pas pousser la flèche jusqu’à la cible. Il doit rester calme et inclure simultanément dans son champ d’attention la traction de la flèche sur la corde, la stabilisation de son arc et de son bras, et son but sur la cible au loin. A un certain moment il y a fusion de la conscience de l’archer avec le centre de la cible au loin qui attire la flèche vers elle. L’archer reste calme et en équilibre et, quand il est prêt, il relâche l’extrémité de deux doigts seulement pour permettre un léger mouvement qui libérera la flèche sans effort vers la cible. Si l’archer se crispe ou fait un effort, il brisera la connexion et ratera la cible.
Section 6 – Les leçons en Technique Alexander
F.M. Alexander découvrit qu’il est possible d’utiliser avantageusement ses pouvoirs de choix conscient. Décider ce que nous nous autorisons nous donne la liberté de répondre d’une manière appropriée aux stimuli de l’environnement. Nous trouvons notre autonomie essentielle et notre humanité dans notre capacité de choix conscient. C’est le grand bénéfice que confère la Technique Alexander. Libérant plus de notre potentiel fait avancer l’espèce humaine et améliore notre bien-être. D’un autre côté, quand nous sommes prisonniers d’habitudes qui limitent notre développement, nous restons figés intellectuellement, émotionnellement et physiquement. C’est pourquoi nous ne pouvons exiger le bien-être comme un droit. Nous devons le créer. La plupart des gens qui suivent la Technique Alexander vérifieront qu’elle produit des résultats inattendus qui ne se limitent pas au corps. Elle rend la vie plus gaie.
Pas un traitement ou une thérapie, mais une rééducation
Des plaintes ou des problèmes spécifiques n’intéressent pas le Professeur Alexander directement et en premier lieu. Vous ne devriez pas vous considérer comme le patient d’un professeur Alexander, ni vous attendre à un traitement. Vous devez vous y rendre comme élève, pour apprendre comment changer votre manière d’usage de vous-mêmes. Vous vivrez le même processus de transformation psychophysique qu’Alexander. La différence est que dans les mains d’un professeur compétent, créer les conditions pour les changements nécessaires peut ne prendre qu’un temps infime par rapport au temps qu’il a fallut à Alexander lui-même. C’est un processus d’apprentissage complexe qui s’adresse à l’unité psychophysique que nous sommes : l’esprit, les émotions et le corps, une unité indivisible sur laquelle Alexander insistait beaucoup.
Les implications de l’unité indivisible
Au début, quand Alexander essaya de montrer à ses collègues ce qu’il avait découvert, il essaya de les en instruire verbalement, leur expliquant ce qu’il voulait qu’ils fassent. Il comprit très vite que cela ne marchait pas. Ils ne pouvaient pas appliquer ses instructions de la manière dont il l’attendait car leur manière habituelle de s’utiliser les en empêchait. Parce que nous sommes des unités psychophysiques indivisibles nous ne pouvons pas avoir une habitude d’usage du corps qui ne serait pas encodée dans le reste de notre être. Notre chair et nos os incarnent l’habitude qui domine nos pensées et nos émotions. Quand nous sommes abattus mentalement, nous le sommes également physiquement … et vice versa.
Les personnes qu’Alexander essayait d’aider n’avaient pas d’autre choix que de traduire ses instructions par l’intermédiaire de leur manière habituelle de penser et l’appréciation sensorielle erronée qui lui était associée. Par exemple, lorsqu’Alexander leur demandait de rester tranquilles, ils crispaient leurs muscles. Quand il leur demandait de ne pas y mettre autant d’effort, ils s’affaissaient. Quoi qu’Alexander leur demandât de faire, ils essayaient de transformer en action l’idée qu’ils s’en faisaient et cette mise en action se manifestait instantanément sous la forme d’une configuration musculaire. Alexander reconnut que nos idées préconçues ne sont pas simplement des activités mentales mais sont présentes dans nos systèmes neuromusculaires. Il réalisa qu’un champ d’attention élargi était nécessaire pour ‘monitorer’ ces préconceptions et leur influence. Il vit que ce champ d’attention devait inclure la conscience concernant le chemin par lequel notre musculature répond à notre idée de l’exécution d’une action déterminée. Nous devons inclure totalement notre conscience physique et mentale pour pouvoir changer notre manière habituelle de faire les choses.
Alexander vit qu’il devait fournir à ses élèves cette conscience qui leur manquait, et qu’il devait leur fournir l’expérience immédiate d’une exécution différente de leurs actions. Au lieu d’utiliser des mots, il décida d’utiliser le contact de ses mains.
Le non-faire (Non-doing)
A partir de ce moment-là, son travail prit une nouvelle tournure. Il découvrit qu’en mettant ses mains sur les gens il pouvait leur transmettre l’expérience de son propre meilleur usage psychophysique directement. Leurs corps, sans aucune interférence mentale, pouvaient répondre spontanément à son contact. Alexander réalisa que le cercle vicieux imposé à l’organisme par l’habitude pouvait être brisé en approchant le corps directement – comme si le corps savait déjà comment s’organiser, si nous le lui permettions. Ce qui est alors nécessaire est de penser autrement. La rééducation psychophysique facilitée au cours des leçons Alexander est centrée non pas sur comment faire, mais plutôt sur apprendre à ne pas faire, à ne pas en rajouter, d’écarter la mauvaise habitude du chemin pour que la chose correcte puisse arriver. C’est pourquoi la Technique ne peut être apprise dans les livres.
Le Professeur de Technique Alexander
Votre professeur de Technique Alexander aura passé au moins trois ans dans un cours de formation reconnu où il aura connu une rééducation psychophysique intense. Il ou elle doit arriver à un haut niveau d’usage de soi pour pouvoir transmettre les principes de la Technique Alexander. Le point central de la formation est un usage des mains qui rendra le futur professeur capable de recevoir de l’information du corps de l’élève et de lui transmettre en retour une certaine qualité d’expérience et de lui faciliter la détente musculaire. Les mains d’un professeur expérimenté sont légères et ouvertes et ne forcent pas ni ne manipulent. Après une leçon, on se sent plus uni, plus léger, plus libre, plus en équilibre et plus conscient de l’espace qu’on occupe.
Les changements qui ont lieu peuvent être profonds et peuvent conduire à un inconfort passager pendant que la musculature se réorganise. Cette réorganisation est parfois perçue comme une douleur légère et diffuse en divers endroits où la redistribution du tonus musculaire est ressentie plus intensément, comme entre les omoplates ou sur les épaules. Des changements dans la perception kinesthésiques peuvent être légèrement déroutants. Si cela arrive, il ne faut pas s’en faire. Il s’agit simplement des réponses du corps au changement et il faut les accepter. Ils passeront vite.
Le Contrôle Primaire
Au cours de ce processus, le contact physique subtil que votre professeur utilise communique une stimulation qui vous soutien pendant que vos propres réponses anti-gravité ne fonctionnent pas encore optimalement. Cela permet au professeur de faciliter le relâchement là où il est nécessaire. En même temps, vous recevrez un feedback de ce contact qui vous donnera une meilleure perception de vous-mêmes comme un tout.
Une attention particulière sera donnée à l’amélioration de la conscience de la relation tête/cou. La liberté de positionnement et de mouvement de votre tête au sommet de votre colonne vertébrale est essentielle à la coordination générale de votre corps. Nous entretenons souvent de subtiles tensions chroniques dans les muscles de notre cou et à la base de nos crânes qui interfèrent avec l’équilibre naturel de notre tête. Une tension excessive dans la région du cou et de la tête cause une mauvaise coordination dans le reste du corps, produisant une expérience de déconnection entre les diverses parties. Avec le temps, vous deviendrez capables de garder les muscles de votre cou libres et cela produira un changement dans le schéma général. Garder l’équilibre tête/cou libre est essentiel pour le rétablissement d’une appréciation sensorielle fiable dans le mouvement.
L’Inhibition
Comme vous l’aurez deviné, le professeur fera bien plus que permettre à votre corps de fonctionner plus efficacement. Cela ne peut en fait arriver tant qu’on ne se sera pas adressé à vos schémas habituels. Ces schémas se sont inscrits dans les réseaux neuromusculaires et sont donc également inscrits au niveau de l’esprit et des émotions. Ce que nous croyons, les images internes que nous créons, l’idée que nous avons de nous-mêmes, se traduisent en tensions musculaires et déterminent la qualité de nos actions et de nos expériences.
Un des aspects les plus libérateurs des leçons en Technique Alexander est l’utilisation de la conscience pour gagner le contrôle de nos pensées et de nos émotions. Cela arrive avec l’acquisition progressive de la capacité à inhiber : être capable de suspendre nos réactions aux stimulations de l’environnement jusqu’à ce nous puissions choisir de répondre au moment choisi, calmement et posément, comment nous voulons répondre – plutôt que d’être l’esclave du téléphone, de la montre, de la télévision, des feux routiers, du patron, des enfants, de l’angoisse… Cela devient possible une fois que nos corps ne sont plus attachés à des réponses stéréotypées.
Les Directions
Votre professeur vous aidera à identifier vos réponses habituelles pour que vous puissiez les inhiber. Dès que cela est atteint vous pouvez décider d’exécuter consciemment vos actions avec un minimum d’effort. Votre professeur vous donnera une expérience nouvelle dans l’exécution d’actions quotidiennes de manière à prévenir des efforts inutiles pendant la réalisation de vos objectifs. La capacité à diriger votre énergie efficacement deviendra une seconde nature et vous remarquerez d’une manière générale une facilité à vous atteler à des tâches difficiles.
Lorsque ces changements positifs remplacent les vieux schémas, les tissus musculaires auparavant trop contractés retrouvent leur longueur optimale. La tension est redistribuée de sorte que les articulations ne sont plus soumises à des tensions excessives. En lieu et place vient la facilité et l’aisance dans le mouvement et l’amélioration de la coordination. Des plaintes associées au mauvais usage, comme des douleurs articulaires, des maux de dos et de l’anxiété diminueront en intensité ou disparaîtront complètement avec la réorganisation du schéma qui les a produit.
Une approche pratique
La Technique Alexander est une méthode pratique de rééducation et votre professeur vous proposera des procédures simples à pratiquer en dehors des leçons pour renforcer les bénéfices de vos leçons. Vous trouverez le besoin d’appliquer la Technique dans votre vie quotidienne. Beaucoup de personnes expérimentent une augmentation de leur vitalité avec l’amélioration de leur usage d’eux-mêmes car l’énergie qui était gaspillée en efforts inutiles devient disponible pour leur plus grande satisfaction.
Qui peut bénéficier des leçons en Technique Alexander?
La Technique Alexander est pour tout le monde. Elle fut d’abord utilisée par les musiciens, les acteurs, les danseurs et les athlètes à cause de l’amélioration qu’elle permettait de leurs compétences professionnelles. Le lauréat du Prix Nobel de médecine Nikolaas Tinbergen pensait tellement de bien de la Technique Alexander que lorsqu’il parla devant l’Association des Professeurs de la Technique Alexander (Society of Teachers of the Alexander Technique) à Londres, il dit qu’elle était la clef d’un pas dans l’évolution humaine. Il pensait que tout le monde devrait suivre des cours de Technique Alexander et que dans ce cas la plupart des questions urgentes verraient une solution. Mais cela dépend de nous. Que vous essayiez la Technique parce que vous souffrez de douleurs, parce que vous désirez parfaire vos compétences, changer votre posture, vous calmer ou juste pour le plaisir, vous découvrirez vite les bénéfices que vous pourrez en tirer.
Section 7 Combien de leçons?
Pourquoi est-ce important de suivre une série de leçons en Technique Alexander?
A cause de la réputation qu’elle a acquise pour l’amélioration du bien-être et du fonctionnement général, la Technique Alexander est parfois perçue, à tort, comme une ‘thérapie’. Elle est souvent confondue avec d’autres disciplines alternatives ou complémentaires et vue comme une forme de traitement pour des maladies spécifiques et des souffrances. Il est important de comprendre qu’il ne s’agit pas d’un traitement et que si vous l’envisager sous cet angle vous ne tirerez pas le meilleur bénéfice des leçons.
La Technique Alexander s’adresse au problème très répandu du mauvais usage habituel de soi. Parce qu’Alexander était en avance sur son temps et que ses théories commencent seulement à être prises au sérieux, la plupart des gens, y compris parmi les professionnels de la santé et du sport, n’ont aucune idée qu’ils s’utilisent mal eux-mêmes et par conséquent ne se rendent pas compte à quel point le mauvais usage d’eux-mêmes affecte directement leur fonctionnement général.
La Technique Alexander nous donne le moyen de démonter ce mauvais usage habituel et de rétablir un usage optimal de nos systèmes neuro-musculo-squelettiques et des mécanismes posturaux qui les sous-tendent. On ne peut sous-estimer les bénéfices pour l’ensemble du Soi – y compris le fonctionnement mental, émotionnel et physique – qui accompagnent un meilleur usage de soi.
Beaucoup de gens avec des douleurs dorsales chroniques, des maux de têtes, des problèmes aux articulations, au cou et aux épaules, entre autres, sont intéressés par la Technique Alexander parce qu’ils ont entendu qu’elle les ‘guérissait’. Malheureusement – ironie du sort – parce que ces troubles tendent à disparaître avec l’amélioration de l’usage de soi, la Technique est vue comme une autre forme de traitement pour des souffrances physiques.
Il y a presqu’un siècle, Alexander réfléchit sérieusement au nom à donner à sa méthode. Il choisit le mot ‘technique’ – ‘une technique de rééducation psycho-physique’ – plutôt que thérapie, parce qu’il ne voulait pas que les gens viennent chez lui en tant que patients espérant qu’il les débarrasserait de leurs problèmes physiques. Comme il le percevait, beaucoup de problèmes physiques étaient la conséquence d’un problème d’une dimension plus grande, un problème d’usage de soi. Le mauvais usage de soi conduit inévitablement au mal de dos et à une mauvaise posture, mais il affecte aussi des choses moins tangibles comme la joie et l’enthousiasme pour la vie qui sont si importantes pour notre bien-être et notre développement.
Quand on insiste sur l’aspect physique des complaintes, les parties concernées sont isolées, et on essaie de les traiter aussi vite que possible par intervention locale – sous forme de manipulation ou par médication. Ce qui doit être compris, c’est que cette approche ne changera pas les conditions qui ont produit le problème. A moins d’améliorer et de changer l’usage de soi, le même état reviendra. Ce dont la personne a besoin est un changement de son état général.
C’est en cela que la Technique Alexander est différente de toute autre approche. Elle vous permettra de reconstruire votre ‘usage de vous-mêmes’ et de rétablir un fonctionnement optimal de vos mécanismes posturaux. Les mauvaises conditions qui ont produit le problème en premier lieu vont progressivement disparaître. Mais de tels changements n’arrivent pas du jour au lendemain. Ils exigent du temps et votre participation. Quand vous aurez appris à reconnaître les habitudes inconscientes qui ont conduit au mauvais fonctionnement de vos mécanismes posturaux, vous découvrirez des possibilités d’aisance de mouvement dont vous ne soupçonniez pas la possibilité. Les conséquences douloureuses de votre mauvais usage disparaîtront.
La plupart des gens peuvent faire des changements basiques en quelques 20 leçons, sur une période de quelques mois. Idéalement la première moitié de ces leçons devrait être peu espacée pour garder les acquis, renforcer l’apprentissage et empêcher les anciennes mauvaises habitudes de se réinstaller. Ensuite, en acquérant plus d’expertise dans l’art de gérer ses progrès, les leçons peuvent être plus espacées. Il est utile d’avoir en tête des leçons occasionnelles de rappel après la fin de la série initiale de leçons. Quand vous pensez que pour la plupart d’entre nous le renforcement de nos mauvaises habitudes s’étale sur plusieurs décennies, la capacité de nos corps à changer et à se réorganiser posturalement, après stimulation appropriée, est plutôt remarquable.
Une série de leçons Alexander étalées sur une année est comparativement économique et l’investissement dans la prévention réduit considérablement le coût des soins de santé. Si les étudiants en musique pouvaient bénéficier de leçons Alexander au cours de leur formation, comme il est devenu courant maintenant en Europe et aux Etats-Unis, les désordres musculo-squelettiques ne seraient pas si fréquents et la confiance et l’habileté des étudiants s’améliorerait notablement. Cela s’applique également aux sportifs et au nombre grandissant d’utilisateurs d’ordinateurs qui restent longtemps assis devant leurs écrans.
Il n’y a aucune obligation à s’engager pour une série complète de leçons. Vous pouvez suivre quelques leçons pour essayer si la méthode vous convient, mais ne pensez pas pouvoir en définir les effets sur vous avant une dizaine de leçons. Certaines personnes remarquent une certaine amélioration immédiatement ; mais les changements et bénéfices plus profonds arrivent graduellement, les leçons profitant les unes aux autres. C’est ce processus rééducatif qui conduit à la transformation par l’apprentissage. Il est donc important de dépasser l’attitude qui consiste à rechercher le remède rapide ou la solution miracle et de voir la Technique Alexander plutôt comme un investissement que vous faites pour votre futur.
Section 8 – Au sujet de l’auteur
Meredith Page, l’auteur de ces articles, fut formée par Walter et Dilys Carrington à Londres et obtint son diplôme de Professeur de la Technique Alexander en 1978. Elle resta une dizaine d’années encore auprès des Carrington en tant que formatrice assistante. Elle a enseigné la Technique Alexander pendant 25 ans et a pratiqué dans trois pays différents. Plus récemment elle a atteint le statut de championne dans son sport : le ‘clay target shooting’. Elle partage son temps entre une pratique privée et l’enseignement de la Technique dans des institutions pédagogiques.
Texte traduit et publié par Athanase Vettas grâce à l’aimable autorisation de son auteur Meredith Page.
www.techniquealexander.be
Bruxelles-Belgique