par Renaude Gosset Le discours à propos du dos comporte généralement une description anatomique comprenant les muscles postérieurs du tronc, plus la colonne vertébrale. La partie cervicale de la colonne n’en fait pas partie -bien que ce soit aussi la colonne vertébrale-, ni les muscles postérieurs du cou qui pourtant pour beaucoup d’entre eux, sont le prolongement de muscles qui trouvent leur origine à différents endroits du «dos». Le «dos» de ce discours n’est donc pas une entité anatomique précise et rigoureuse. Le dos est quelque chose qu’on vit -souvent mal à partir du moment où il se manifeste- et qu’on a tenté d’objectiver et de rationaliser pour soutenir des techniques de traitement de la souffrance du dos : si le dos souffre, il faut le détendre (ça fait du bien sur le moment mais ça ne dure pas), il faut le muscler (ce qui implique que le dos est fait pour nous porter, ce qui n’est pas vrai), il faut se tenir droit, il faut se baisser de telle ou telle ou telle façon, avec le dos droit par exemple, alors il faut voir comment cela est interprété par les victimes qui confondent droit et vertical et qui tentent d’imposer de la rectitude à une colonne vertébrale qui est structurellement et normalement en courbes… Essayons de voir ce que c’est que ce dos qui nous fait mal. Ce sont les tissus qui nous font mal, toute cette couche qui tapisse tout l’arrière du tronc, l’arrière du cou et l’arrière de la tête et qui est constituée de la peau et juste en dessous de muscles qui servent à bouger les bras, les jambes et la tête (trapèze, grand dorsal, fessiers). Et pourquoi nous font-ils mal? Parce que nous tentons de faire de cette couche périphérique un appui ou un support pour le reste de notre personne, que nous la contractons et la durcissons pour tenter d’en faire une sorte de mur. On ne vous a jamais fait le coup de vous demander de coller votre dos au mur pour qu’il soit bien droit, comme le mur? Et avec espoir vous l’avez fait, enfin presque, parce que c’est impossible. Mais ça serait si bien d’avoir le dos comme un mur qui nous porterait, enfin le soulagement de cette question lancinante: comment me tenir? elle est toujours là, cette question, tapie, à nous ronger, à dévorer nos forces… C’est quand même bizarre cette idée d’une partie de nous qui porterait le reste, un morceau à part qui aurait cette fonction pétrifiée, forcément pétrifiée, un mur ça ne bouge pas, ce serait une sorte de morceau-prothèse que j’aurais avec moi, moi étant ce qui est porté et lui, le morceau, il est quoi? J’exagère? Non, on n’a qu’à se regarder faire, c’est comme ça qu’on le pratique notre dos. Alors imaginons qu’on prenne en considération ce qu’elle est vraiment cette couche tissulaire: peau, muscles permettant de bouger les bras, les jambes, la tête et qu’on ARRETE DONC DE LUI DEMANDER DE FAIRE LE MUR, imaginons qu’on lui permette de suivre notre forme, la forme de l’arrière de nous avec ses courbes et ses reliefs, juste avec cette directive mentale «mon dos suit ma forme» sans rien FAIRE, en laissant le tissu obéir tout seul, de lui-même à cette directive, que va-t-il se passer?
Pour quelle raison? C’est que l’activité des structures musculaires profondes qui assurent de manière réflexe le tonus nécessaire à notre être debout (ou assis) est gênée par la tension de la couche tissulaire périphérique. C’est pourquoi la démobilisation de celle-ci restaure la pleine activité de celle-là sans autre forme de procès, sans musculation, sans exercices, grâce seulement à l’affinement de la perception et à l’acquisition d’une nouvelle façon de se penser. www.alouest.net/techniquealexander |